lundi 7 mai 2007

Loi sur la Sécurité intérieure

Assemblée Nationale - 2éme séance du 23 janvier 2003

Loi sur la Sécurité intérieure

Intervention au niveau des articles 46, 47 et 56 du texte qui concernent la Polynésie française
A l’article 46

M. le Président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, inscrite sur l'article.

Mme Béatrice Vernaudon. Monsieur le président, madame la ministre de l'outre-mer, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous allons, pour terminer l'examen de ce projet de loi sur la sécurité intérieure, examiner les dispositions relatives à l'outre-mer, notamment aux collectivités d'outre-mer que sont la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Mayotte et la Polynésie française. Vous le savez, ces collectivités sont régies par le principe de la spécialité législative, et les lois et les règlements s'y appliquent selon la répartition des compétences entre l'Etat et les pouvoirs locaux, avec une adaptation au contexte propre à chaque collectivité. En ce qui concerne la Polynésie française, que je représente ici avec mon collègue Michel Buillard - lequel, en tant que maire de la capitale, Papeete, a beaucoup travaillé sur ce dossier -, quelle est donc la situation de l'insécurité ?

En ce domaine, le Haut-commissaire, représentant l'Etat en Polynésie, qui coordonne et anime le dispositif de sécurité intérieure, a eu l'occasion, la semaine dernière, de faire le bilan de l'année 2002. L'insécurité, a-t-il expliqué, a augmenté ces dernières années, mais entre 2001 et 2002 la situation a commencé à s'infléchir. Si les crimes et délits ont augmenté de 11 % entre 2000 et 2001, cette augmentation ne s'élevait plus qu'à 2,35 % l'année suivante, contre 1,28 % en métropole. Une telle évolution est directement liée à l'augmentation des effectifs de sécurité dont nous avons bénéficiée en 2002, notamment le deuxième escadron de gendarmerie mobile, que vous avez bien voulu, dès votre prise de fonction, madame la ministre, envoyer en Polynésie à la demande des élus de ce territoire.
Nous ne connaissons pas de grande criminalité, mais beaucoup de délits et de voies de fait. Cette délinquance est notamment le fait d'une population très jeune, qui se concentre autour de l'agglomération urbaine, n'a souvent pas d'emploi et se procure les biens de consommation qui la tentent en commettant des vols, parfois avec violence, ce qui est malheureusement le début, pour de nombreux jeunes, d'un parcours de délinquance et d'incarcération que nous voulons justement leur éviter.
Nous sommes donc très attentifs à ce problème, non seulement pour préserver notre jeunesse, mais aussi parce que, depuis le départ du Centre d'expérimentation nucléaire en 1995, notre principale ressource est l'industrie touristique. Le moindre fait, notamment commis avec violence, dont pourraient être victimes les touristes et qui serait repris dans les journaux du Japon ou des Etats-Unis pourrait avoir pour nous des conséquences désastreuses. C'est pourquoi la sécurité est à nos yeux un domaine tout à fait essentiel.
A cet égard, l'année 2003 se présente plutôt favorablement : nous devrions bénéficier de trente-quatre gardiens de la paix supplémentaires, déjà recrutés et qui suivent actuellement une période de formation d'un an à Nîmes.
Il est également prévu de mettre en place, en 2003, un centre de formation continue, réclamé depuis longtemps, pour tous les agents de la sécurité publique. Par convention, ses services pourront s'étendre aux agents de police municipale.
Je voulais donc exprimer la gratitude des élus du territoire pour les moyens supplémentaires dont nous avons bénéficié depuis le deuxième semestre de l'année écoulée et qui vont se poursuivre en 2003. Ils ont déjà pour résultat d'infléchir l'augmentation régulière de l'insécurité. Après la formation, je voudrais aborder la question de la coordination. Les groupements d'intervention régionaux ont été étendus à la Polynésie. Nous avons mis en place une cellule d'intervention de sécurité intérieure, qui a commencé à travailler sur les stupéfiants - grave problème en Polynésie, car le cannabis, que nous appelons « pakalolo », y pousse comme l'herbe sauvage, et nos jeunes sont très tentés par son usage, qui a sur eux des conséquences vraiments navrantes - , sur la délinquance financière, le vol de perles noires - notre deuxième ressource - dans les fermes perlières, le vol de voitures, et enfin sur le proxénétisme, dont l'aspect est particulier, mais qui sévit aussi chez nous, notamment dans l'agglomération de Papeete. Le problème est que les élus du territoire, ainsi que les maires, estiment ne pas avoir été suffisamment associés au développement de cette cellule d'intervention et de sécurité intérieure et souhaiteraient l'être davantage.
En résumé, les perspectives sont rassurantes, mais il faut poursuivre l'augmentation des effectifs pour nous aider à conjurer l'insécurité et développer la coordination avec les élus locaux. J'espère donc que ces textes vont être votés à l'unanimité.
M. Guy Geoffroy. Très bien !

A l’article 47
M. le président. M. Estrosi a présenté un amendement, n° 492, ainsi rédigé : « Compléter l'article 47 par l'alinéa suivant : « Pour l'application de l'article 29 en Polynésie française, après les mots : "menace à l'ordre public, sont insérés les mots : "et après consultation du comité consultatif prévue à l'article 7 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française. ».
La parole est à M. Christian Estrosi.
M. Christian Estrosi, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec la Polynésie.
M. le président. La parole est à Mme Béatrice Vernaudon.
Mme Béatrice Vernaudon. Je voudrais remercier le rapporteur et la commission des lois, qui ont bien voulu prendre en compte, un peu hors délai, notre demande que soit reconnue, comme en Nouvelle-Calédonie, la compétence des autorités locales en matière d'autorisation de séjour des étrangers.
Je voudrais également en profiter pour insister, madame la ministre, sur l'importance de la coordination avec les élus locaux, notamment en matière de prévention de la délinquance. La compétence du haut-commissaire a été étendue non seulement à l'animation et à la coordination des dispositifs de sécurité, mais également à la prévention de la délinquance. Les politiques de jeunesse sont de compétence territoriale et nous sommes donc d'accord pour que ce soit le haut-commissaire qui les coordonne et les anime ; mais il faut veiller à ce que les élus locaux et les maires y soient associés, faute de quoi, de nouveaux problèmes surgiront.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la ministre de l'outre-mer. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 492.
(L'amendement est adopté.)

…/…

A l’article 57
…/…
La parole est à Mme Béatrice Vernaudon, inscrite sur l'article.
Mme Béatrice Vernaudon. J'ai souhaité intervenir à propos des articles 56 et 57 pour exprimer la grande satisfaction qu'ils procurent aux deux députés de la Polynésie française et particulièrement à M. Michel Buillard, maire de Papeete, qui a beaucoup travaillé sur ce dossier. L'article 57 a pour objet de reconnaître la qualité d'adjoint de police judiciaire aux policiers municipaux de Polynésie, à l'instar de ce qui a déjà été fait en Nouvelle-Calédonie et de ce qui existe, bien sûr, dans les département d'outre-mer. En devenant des adjoints de police judiciaire, les policiers municipaux, agréés et assermentés, auront la possibilité de dresser procès-verbal et de constater les infractions au code de la route. L'octroi de cette compétence constituera pour eux une véritable reconnaissance et leur conférera une réelle légitimité vis-à-vis de leurs concitoyens.
Pour préparer cette mutation importante, les communes se sont organisées dans le cadre du syndicat pour la promotion des communes, afin de mettre en place une formation. En effet, sur les 420 policiers municipaux - qui représentent 11 % du personnel communal en Polynésie contre 0,8 % en métropole -, 60 % n'ont qu'un niveau d'études primaires et 4 % seulement ont le bac. Pour pouvoir être agréés et assermentés, ils doivent donc faire un gros travail de formation. Ils en ont la volonté car ils sont très mobilisés par ce renforcement de leurs pouvoirs.
Le syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française travaille en collaboration avec le CNFPT local. Toutes les études d'évaluation ont été réalisées, mais nous nous heurtons maintenant à un problème que vous connaissez bien, madame la ministre, à savoir que la chambre territoriale des comptes, en examinant l'année dernière les comptes de ce syndicat, a relevé qu'il n'était pas éligible au financement du fonds intercommunal de péréquation. Au moment où cette grande avancée, tant attendue, que représente l'article 57 va donner la qualité d'adjoint de police judiciaire à nos officiers de police municipaux, nous sommes bloqués dans la mise en oeuvre de la formation.
Nous allons donc déposer dans les jours qui viennent une proposition de loi à ce sujet. Je compte sur notre rapporteur, M. Estrosi, et sur la commission des lois, une fois recueilli l'avis de la Polynésie française, pour trouver l'occasion d'examiner dans les meilleurs délais cette proposition tendant à permettre, comme en métropole et dans les DOM, le financement par le fonds intercommunal de péréquation des actions de formation mises en oeuvre par les syndicats intercommunaux.
Je voudrais vous remercier à nouveau, madame la ministre, ainsi que vos collaborateurs, la commission des lois et le rapporteur, pour tout le travail qui a permis d'aboutir à ces deux articles, en particulier, mais aussi à l'extension du projet de loi sur la sécurité intérieure aux collectivités d'outre-mer. Pour nous, c'est un véritable progrès et nous allons nous impliquer résolument dans sa mise en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme la ministre de l'outre-mer. Je remercie Mansour Kamardine et Béatrice Vernaudon d'avoir bien voulu remarquer que le texte que nous proposons représente, à l'évidence, un progrès important pour les collectivités d'outre-mer. Mais, j'en suis bien consciente, que ce soit à Mayotte ou en Polynésie française et dans les autres collectivités, ce n'est qu'un premier pas et nous devrons poursuivre l'effort engagé…
Quant à la Polynésie, j'ai écouté avec beaucoup d'attention la proposition de Béatrice Vernaudon et nous en tiendrons, bien sûr, le plus grand compte.